
Le Musée des Beaux Arts de Lyon rend un magnifique
hommage à Jacqueline Delubac jusqu’au 16 février 2015. Cette lyonnaise, libre,
avant-gardiste, actrice et 3ème épouse de Sacha Guitry, icône de la
mode et du Tout-Paris était également une grande collectionneuse. Des œuvres
d’art résolument modernes, des choix audacieux et parfois étonnants qu’elle
mettait en scène chez elle.
Le MBA a entièrement reconstitué son appartement pour
nous faire partager l’intimité d’une femme qui aimait Picasso, Bacon, Duffy,
Lam, Monet, Poliakoff… d’une femme dont l’élégance et l’indépendance de goût
restent immuables. Après la superbe expo de Joseph Cornell et les surréalistes
des années 30 à 50 en février, le MBA revient cette période, la prolonge mais
sous un autre angle.
C’est grâce aux différents legs et donations de
Jacqueline que le Musée des Beaux arts de Lyon (MBA) peut présenter la 1er
collection impressionniste après Paris.
La troisième madame Guitry
Née à Lyon en 1907 dans une famille bourgeoise, elle perd
son père à 4 ans. Elle s’installera à Valence avec sa mère. Passionnée par la
danse, elle monte à Paris en 1928 et se produit dans des spectacles.
Brune, jolie, piquante avec un petit air à la Louise
Brooks elle se fait remarquer dans une imitation de Joséphine Baker dansant
avec son célèbre pagne de bananes. Elle fait quelques apparitions dans des
films mais sa carrière démarre vraiment en 1931. Elle obtient quelques seconds
rôles dans des pièces du célèbre Sacha Guitry marié, à l’époque, à Yvonne
Printemps. Après 1 an d’une cour assidue, elle emménagera chez lui en 1933 et
l’épousera en 1935.
Sacha Guitry, comme son père Lucien, étaient de grands
amateurs d’art. La maison familiale du 18 avenue Elisée-Reclus abritait des Renoir, Van Donguen, Rembrandt, Toulouse
Lautrec, Cézanne, Rodin (ci-dessous) … Jacqueline vivra jusqu’à sa séparation d’avec Guitry en 1939 entourée d’œuvres
impressionnistes et postimpressionnistes.

Elle poursuit sa carrière d’actrice en choisissant des
rôles qui prennent le contre-pied de ceux que Guitry lui faisait jouer. C’est
en 1944 qu’elle achète son premier tableau en vendant les bijoux que ce dernier
lui avait offert : « L’atelier aux Raisins » peint par
Raoul Duffy. On estime que c’est quelques années plus tard que sa liaison avec
le diamantaire Myran Eknayan débute. Elle partagera sa passion de l’art avec
lui jusqu’à son décès en 1985. Elle l’avait épousé 4 ans auparavant.
En 1950, elle met fin à sa carrière et commence
réellement sa collection d’art moderne en choisissant le plus souvent des
œuvres fortes et de grand format. Jusqu’en
1962 elle acquiert des Braque, Léger, Miro, Picasso, Hans Hartung. Dans les
années 70/80 elle s’oriente vers une peinture aux sujets réputés plus
difficiles comme celle de Wilfredo Lam
ou Victor Brauner proches des surréalistes, ou encore des Bacon.
Dans les années 80, Jacqueline s’installe dans un vaste
appartement de réception sur le quai d’Orsay qui est conçu pour être un
véritable écrin pour ses collections. C’est cet appartement que le MBA a
reconstitué le plus fidèlement possible car Jacqueline avait détruit ses
archives.
Le quai d’Orsay reconstitué
Elle confie l’aménagement à un célèbre
décorateur des années 70 : Henri Samuel. Il est connu pour avoir été
le premier à confronter le contemporain au « grand style ». Ainsi, comme
le faisait les invités de Jacqueline, on entre dans une vaste pièce revêtue
d’une moquette grise mouchetée de tâche de léopard sombres et claires.
Deux chaises/sculptures « Homme » de Ruth
Francken encadrent et évoquent les courbes de l’huile sur toile « carcasse
de viande et oiseau de proie » de Francis Bacon. En face, 2 chenets en
bronze doré provenant du château d’Abondant reposent aux pieds du tableau
« Le verre d’eau V» de Jean Dubuffet. On ne peut s’empêcher de penser
à la confrontation des symboles au-delà des styles : Dubuffet l’anarchiste
mêlé à des objets ayant appartenus à l’ancien régime. « Le baiser »
de Rodin, des photos de Jacqueline et de son appartement complètent le décor.

De Guitry à Eknayan
Bien que n’étant pas nostalgique, Jacqueline meublera son
corridor avec les œuvres en provenance de la maison de l’homme qui l’a façonnée :
Sacha Guitry. C’est ainsi qu’on peut admirer le sulfureux bronze de Rodin
« Iris, messagère des dieux » qui représente le corps d’une femme
jambes écartées. Sacha comme sont père étaient connus pour aimer les femmes.
Marié 5 fois il déclara à la dernière « les autres ont été mes épouses,
vous, vous serez ma veuve »
On découvre également une belle galerie de photos
représentant Jacqueline seule ou en compagnie de Sacha Guitry, avec qui elle
formait un couple emblématique tant à la ville que sur la scène. Les affiches
de leurs pièces ou films –parfois appelés « comédie filmée » -, des
lettres, la malle de voyage Louis Vitton barrée d’une bande blanche et de l’initiale
G complètent ces souvenirs.
Dans le salon rouge, Jacqueline avait rassemblé les
œuvres de son deuxième compagnon : Myran Ejnayan dont le fragment central
du « Déjeuner sur l’herbe » de Claude Monet. Ce tableau avait été remis
par Monet à un menuisier en gage d’une location. Abîmé par l’humidité, l’artiste
a été obligé de le découper quand il pu le racheter.

L’affirmation de l’indépendance de ses goûts
Après la mort de ses 2 maris, Jacqueline s’oriente vers
des tableaux plus modernes qu’elle expose dans son grand salon comme « My
Fair Lady » de Jean Fautrier. Elle avait acquis une de ses œuvres dans une
salle de vente. L’artiste invité à l’admirer chez elle le détruisit et lui
proposa de lui en offrir un autre en échange, elle choisit « My Fair
Lady ».
On retrouve également, entre autre, une
« baigneuse » de Picasso, une peinture travaillée comme une
sculpture, la lampe « Expansion » de César, et un bronze que j’aime
beaucoup d’Edgar Degas « Danseuse attachant le cordon de son maillot ».
Dans la salle à manger, elle expose notamment
« Etude pour une corrida, n°2 » de Francis Bacon dont les tons
orangés tranchent avec le bleu vert de ses murs et dont les 2 tableaux peints
par Albert Albert Bitran font écho.
L’art jusque dans sa chambre
Un magnifique portrait de Jacqueline dans les tons vifs
de rouge peint par Bernard buffet en 1955 illumine la chambre de celle que l’on
nommait « la femme la plus élégante de Paris ». Celle qui détourna le
feutre de Sacha Guitry en lançant la mode des couvre-chefs masculins pour les
femmes, en lança également bien d’autres comme les larges pantalons
« slacks ».
Le MBA présente quelques une de ses tenues dont le
dressing comportait 6 000 pièces de robes et chaussures dont une veste
étonnante. Très mince et de plus en plus fragile avec l’âge, la fourrure
devenait trop lourde à porter, la Maison Lemarié lui confectionna une veste en
mousseline et plumes d’autruche.

Décédée en 1997 à Paris, renversée par un vélo,
Jacqueline Delubac a marqué plusieurs générations de femmes tant par son
indépendance, sa personnalité que par son amour de l‘art. Cette exposition est
l’occasion de la découvrir à travers ses multiples facettes.
Musée des Beaux Arts de Lyon, 20 Place des Terreaux, Lyon
1er
Site : http://www.mba-lyon.fr/mba/
Jacqueline Delubac, le choix de la modernité- du 7
novembre 2014 au 16 février 2015 –
« Visites du bout des doigts » pour les
malvoyants : samedi 29 novembre à 10h et à 15h
« Visite en LSF : Langue Des Signes » le
samedi 10 janvier à 14h30
Tous les évènements autour de l’expo : http://www.mba-lyon.fr/mba/sections/fr/expositions-musee/collection-delubac/visite-expo-delubac
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